Le rugby à 7 a déjà été très bien décrit dans la littérature scientifique (12) ; sa popularité étend sa pratique sur l’intégralité du globe. En effet, différents tournois se jouent autant dans l’hémisphère Sud que Nord, traquant souvent des destinations ou il fait chaud. Le “World Rugby Women’s Sevens Series” (WRWSS) organise 8 tournois  par saison. Dubaï, Cape-Town, Sydney, Hamilton pour ne citer qu’eux, sont des destinations ou les joueuses peuvent disputer leur tournoi sous des conditions de chaleur de plus de 35°C (45°C au Sydney -Sevens en 2020), avec en même temps parfois, des taux importants d’humidité (plus de 85% au dernier tournoi d’Hong-Kong). Les Jeux Olympiques de Tokyo 2021 seront un bel exemple de tournoi joué en condition chaude et humide, ainsi, les staffs se doivent de préparer leurs athlètes à un tel stress lié à ces conditions environnementales particulières (11).

 

Les matchs de rugby à 7 de haut niveau sont caractérisés par des courses à haute intensité, accélérations, décélérations et collisions (12), tout cela, enchainé sous forme de répétition d’efforts intenses (5) altérant le statut acido-basic des athlètes, les obligeant à posséder une capacité forte de tolérance à l’acidose et à l’accumulation de métabolites sanguins (4). La performance peut être réduite à cause de la chaleur. Quand l’entrainement ou la compétition se déroule en situation de chaleur, ce qui est souvent le cas en rugby à 7, la thermorégulation ainsi que d’autres paramètres physiologiques sont impactés ; en effet, l'effort peut entraîner une diminution de la capacité d'endurance (10) ; une température centrale élevée peut nuire à la capacité de répéter des sprints, à cause de la réduction de l'apport artériel en oxygène, à une plus grande dépendance de la fourniture d'énergie par la filière anaérobie et à l'accumulation accélérée d'ion hydrogène (6).

 

Récemment équipé d’une salle environnementale au Centre National de Rugby de Marcoussis (capable de gérer l’altitude, la chaleur et l’humidité, sur un espace de 80m2), la Fédération Française de Rugby a souhaité évaluer l’effet potentiel d’une stratégie d’acclimatation avant le tournoi de Dubaï 2019, avec l’équipe de France à 7 féminine. 

 

Sujet de l’étude :

Le sujet de cette étude est de présenter un des protocoles existant sur une stratégie d’acclimatation à la chaleur utilisée par l’équipe de France de rugby à 7 féminine et d’évaluer ses effets potentiels sur les sensations et le confort thermique une fois l’équipe arrivée à Dubaï.

 

Méthodes :

Athlètes. 23 joueuses de rugby à 7 (25,2 ± 4,9 ans; 169,2 ± 4,9 cm, 65,6 ± 4,9 kg) ont participé, avec leur accord, à cette étude. Elles ont été divisé en deux équipes : 10 joueuses composaient l’équipe de France et 13 composaient l’équipe dite de développement. Toutes les deux participaient au tournoi de Dubaï 2019.

 

Organisation : Le groupe “Acclimatation” (AG, n=10) a réalisé 5 sessions d’entrainements à la chaleur ; le groupe dit “Control” (CG, n=13) lui, n’a effectué aucune séance d’acclimatation. Les deux groupes, dès leur arrivée à Dubaï, ont suivi le même programme pendant les 3 premiers jours : les deux groupes ont réalisé un entrainement par jour d’une heure, à la même heure et sur le même terrain. 

Séance d’acclimatation. Durant les 10 jours précèdents le départ à Dubaï, le groupe AG a effectué 5 séances d’une heure en condition chaude. L’échauffement de 15 min consiste en : étirement dynamique, pédalage, accélération progressive et skills de contact. Le corps de séance était composé de 3 blocs de travail (séparés de 4 min de récupération) consistant en : 12x 6-s d’efforts maximaux séparés de 24 s de récupération. Les efforts de haute intensité effectués étaient (Figure 1):

  1. Effort de combat : qui consistait en un 2 vs. 2. Deux joueuses attaquent contre deux joueuses en défense ; le début de l’action est une situation d’un contre un ; le premier soutien du porteur du ballon est en retard (organisé par l'entraîneur), le contact est donc à 90% suivi d'un ruck ; le ruck est disputé jusqu’à l’arrêt de l’exercice. 
  2. Effort de pédalage : qui consistait en un sprint sur vélo de type Wattbike Pro
  3. Effort de course : qui consistait en un sprint sur tapis incurvé non-motorisé

Le stress infligé augmentait graduellement de séance en séance : de 25 à 35°C et de 50% à 60% d’humidité relative.

 

Figure 1 – Différents efforts durant la session d’acclimatation à la chaleur au Centre National de Rugby 

 

13

 

 

Mesure : Au cours des jours 1, 2 et 3 juste après l’arrivée à Dubaï, des questionnaires de sensation thermique (TS) et de confort thermique (TC) ont été réalisés. Les deux groupes ont utilisé les échelles présentées dans le tableau 1, immédiatement après chaque entrainement. La température et l’humidité sont deux paramètres qui ont été enregistré chaque jour. 

 

Tableau 1 – Échelle de sensation thermique (TS; 1-7) et échelle de confort thermique (TC; 1-7)

Échelle de sensation thermique

Échelle de confort thermique

Très chaud

7

Beaucoup trop chaud

7

Chaud

6

Trop chaud

6

Légèrement chaud

5

Chaleur confortable

5

Neutre

4

Confortable

4

Légèrement frais

3

Frais confortable

3

Froid

2

Frais

2

Très froid

1

Trop froid

1

 

Analyses : Des méthodes statistiques basées sur la “magnitude-based inferential approach” (2,14) ont été utilisées. Les tailles de l’effet “Effect sizes” (ES) ont été quantifié selon les recommandations de Batterham et Hopkins (7). 

 

Résultats :

Température et humidité relative. Au CNR à Marcoussis, la température et l’humidité relative, étaient en moyenne, sur la semaine précédente le départ de 5° avec 80% d’humidité.

A Dubaï, la température et l’humidité relative, étaient sur les trois premiers jours de : Jour1, 26° et 55% d’humidité; Jour2, 27° et 52% d’humidité; Jour3, 28° et 57% d’humidité. La figure 2 présente l’ensemble de ces données et leurs variations.

 

 

Figure 2 – Organisation de l’expérimentation et variation de l’humidité relative et de la température

figure 2

 

Sensation et confort thermique : En moyenne, les sensations et le confort thermique ressentis post-entrainement sont présentés dans la figure 3. Le groupe AG présente des sensations thermiques modérément plus faible et un confort largement meilleur que le groupe CG.

 

Figure 3 - Sensations et confort thermique moyen ressenti post-entrainement pour les groupes « Acclimatation » et « Control »

figure 3

 

Discussion :

Cette étude de cas a démontré que la réalisation de 5 séances d'acclimatation à la chaleur au cours de 10 jours précédents une compétition en environnement chaud peut améliorer de façon modérée à grande, la sensation thermique et le confort de joueuses internationales de rugby à 7.

 

Au cours des dix jours précédents le voyage, le groupe acclimatation a effectué 5 séances d'entraînement à la chaleur consistant en 3 séries de 12x 6 s d'efforts de haute intensité (contact, pédalage et sprint). Alors que de nombreuses études ont utilisé des entraînements longs à faible intensité dans la chaleur, pour favoriser l'augmentation du volume plasmatique par exemple, certaines études ont montré à contrario qu'un entraînement intermittent à haute intensité en chaleur - même de courte durée (30 à 45 min) - peut permettre des adaptations similaires (8), entraînant une augmentation de la capacité aérobie chez des joueuses de sport collectif (13). En outre, nous pensons que l'entraînement conçu autour de la capacité à répéter des efforts à haute intensité reproduirait plus étroitement les exigences d'entraînement et de jeu, comprenant principalement des accélérations et des efforts de contact (5) sans oublier que l'ampleur des adaptations dépendra toujours de l'intensité, de la durée, de la fréquence et du nombre de séance en chaleur effectué (9).

 

Le groupe qui a réalisé l'acclimatation à la chaleur a rapporté une meilleure sensation thermique et un meilleur confort thermique lors de l'entraînement par rapport au groupe témoin lors de l'entraînement sous la chaleur à Dubaï. Ces données suggèrent que le protocole était efficace malgré des températures plus basses sur le site de compétition (26-28°C, ~ 50% d'humidité relative) qu’habituellement. Cette étude de cas s'ajoute à la littérature actuellement disponible et revêt une importance particulière pour les staffs préparant leurs athlètes à des compétitions organisées dans un environnement chaud comme les Jeux olympiques de Tokyo 2021.

 

Application pratiques :

Avant de s’entrainer dans un environnement chaud, 5 sessions d’entrainements de type HIIT en chaleur, peut améliorer les sensations et le confort thermique. 

 

Remerciements :

Nous tenons à remercier les staffs des équipes de France de rugby à 7 féminine (pro et développement) ainsi que l’ensemble des joueuses pour leur participation enthousiaste et leur soutien.

 

Lien vers l’article original publié chez « Sport Performance and Science Reports »

https://sportperfsci.com/effect-of-heat-acclimation-among-international-women-rugby-sevens-players/

 

 

 

Bibliographies :

1.Ashrae (1966). Thermal comfort conditions, ASHRAE standard 55.66, New York

 

2.Batterham AM and Hopkins WG (2006). Making meaningful inferences about magnitudes. Int J Sports Physiol Perform 1: 50–57

 

3.Bedford T (1936). The warmth factor in comfort at work: a physiological study of heating and ventilation. London

4.Couderc A, Thomas C, Lacome M, Piscione J, Robineau J, Delfour-Peyrethon, Borne R, Hanon C (2016). Movement Patterns and Metabolic Responses During an International Rugby Sevens Tournament. Int Journ of Sports Physio and Perf. Nov 2

5.Couderc A, Gabbett T, Piscione J, Robineau J, Peeters A, Igarza G, Thomas C, Hanon C, Lacome M (2019). Repeated High-Intensity Effort Activity in International Male Rugby Sevens. J Strength Cond Res. Jan 22

 

6.Girard O, Brocherie F, Bishop DJ (2015). Sprint performance under heat stress: a review. Scand J Med Sci Sports;25:79–89

 

7.Hopkins WG, Marshall SW, Batterham AM, Hanin J (2009). Progressive statistics for studies in sports medicine and exercise science. Med Sci Sports Exerc 41: 3–13

 

8.Houmard JA, Costill DL, Davis JA, Mitchell JB, Pascoe DD, Robergs RA (1990). The influence of exercise intensity on heat acclimation in trained subjects. Med Sci Sports Exerc;22:615–20

 

9.Périard JD, Racinais S, Sawka MN (2015). Adaptation and mechanisms of human heat acclimation. Scand J Med Sci Sports; 25 (Suppl. 1): 20–38

 

10.Racinais S, Alonso JM, Coutts AJ, Flouris AD, Girard O, González-Alonso J, Hausswirth C, Jay O, Lee JK, Mitchell N, Nassis GP, Nybo L, Pluim BM, Roelands B, Sawka MN, Wingo J, Périard JD (2015). Consensus recommendations on training and competing in the heat. Br J Sports Med. Sep;49(18):1164-73

 

11.Racinais S and Ihsan M (2020). Why should I test my athletes in the heat several months before Tokyo2020 ? Br J Sports Med. Feb 29. pii: bjsports-2020-102082

 

12.Sella FS, McMaster DT, Beaven CM, Gill ND, Hébert-Losier K (2019). Match Demands, Anthropometric Characteristics, and Physical Qualities of Female Rugby Sevens Athletes: A Systematic Review. J Strength Cond Res. Dec;33(12):3463-3474

 

13.Sunderland C, Morris JG, Nevill ME (2008). A heat acclimation protocol for team sports. Br J Sports Med;42:327–333

 

14.Winter EM, Abt GA, Nevill AM (2014). Metrics of meaningfulness as opposed to sleights of significance. J Sports Sci 32: 901–902